Les 40 ans de nos Résidences Educatives

Discours de M. Damien Dandelot, Directeur, le 14 octobre 2025, lors de la fête des familles

Chères familles, chers proches, chers collaborateurs, chères et chers résidents,

Bonsoir à toutes et à tous.

C’est avec une grande émotion que je prends la parole aujourd’hui, dans ce lieu si particulier, chargé d’histoires, de visages, de souvenirs et de vies partagées. Nous célébrons ensemble quarante ans d’un projet humain extraordinaire : celui de la Résidence Éducative de la Fondation Clos Fleuri.

  • Quarante ans… C’est une génération entière.
  • Quarante ans d’accueil, d’accompagnement, de présence.
  • Quarante ans de rires, de discussions, de repas partagés, de projets, de gestes du quotidien.
  • Mais surtout, quarante ans d’humanité, de confiance et de liens tissés entre résidents, familles et professionnels.

Permettez-moi un retour en arrière. Nous sommes au tout début des années 80, à Bulle. La Fondation Clos Fleuri existe déjà. Elle accompagne alors des enfants et des jeunes rencontrant des situations de handicap, dans une école spécialisée et dans des ateliers protégés. Mais un manque essentiel se fait sentir : ces adultes, une fois leur journée terminée, n’ont pas de lieu à eux.

Beaucoup rentrent dans des foyers pour personnes âgées, ou restent chez leurs parents, parfois dans des conditions précaires. Et les responsables de l’époque se posent une question simple, mais bouleversante : « N’y a-t-il donc pas mieux à faire pour permettre à ces personnes de s’intégrer différemment dans la société ? » Cette phrase, publiée dans La Liberté en 1983, résume à elle seule la naissance du projet. À cette époque, tout était à inventer.

Cette même année, le journal La Gruyère titrait : « Nouveau nid pour les adultes. » Des mots tout simples, mais si justes. Un nid : un lieu de chaleur, de sécurité, de bienveillance… mais aussi un lieu d’envol. Un lieu où l’on apprend à vivre ensemble, à grandir, à s’autonomiser, tout en restant entouré.

Photo Glasson, Musée gruérien

C’est exactement ce que voulaient les pionniers de l’époque : Roland Imhof, président de la Fondation, et André Maillard, son directeur. Avec courage et conviction, ils décident d’acheter les anciens bâtiments des Fromages de Gruyère SA, à l’angle des rues du Moléson et Saint-Denis, ici à Bulle — le bâtiment même où nous nous trouvons aujourd’hui. Leur idée est visionnaire : ne pas isoler les personnes rencontrant des situations de handicap à la périphérie, mais leur offrir un lieu de vie intégré dans la cité, à deux pas des commerces, des restaurants, de la vie locale. Et La Gruyère écrivait alors en 1985 : « Une vie au cœur de la cité, voilà qui change des bâtiments décentrés et des casemates corsetées entre des couloirs froidement géométriques. »

Le projet fut une aventure humaine et collective. Le coût total s’élevait à 3,5 millions de francs, ce qui représenterait aujourd’hui près de 9 millions de francs. Mais si l’on intègre le prix du terrain au centre de Bulle et les normes de construction actuelles, un projet équivalent se situerait plutôt entre 16 et 20 millions de francs — un investissement colossal pour une œuvre avant tout humaine. L’Office fédéral des assurances sociales a apporté une subvention couvrant 50 % du coût au travers d’un prêt sans intérêt sur trente ans, et le canton de Fribourg a soutenu le projet à hauteur de 25 %. Le solde fut couvert par une hypothèque assumée par la Fondation et les donateurs.

La Liberté du 19 novembre 1983
Journal La Gruyère

L’architecte Roland Charrière, de Bulle, a su tirer le meilleur parti de trois bâtiments d’âges et de styles différents. La Gruyère saluait son travail en ces termes : « Tant de disparités ont permis que l’habitat de chaque famille soit personnalisé. » Les vastes couloirs laissaient place à des coins chaleureux, à des terrasses ouvertes sur la campagne et sur la place animée. Chaque résident pouvait apporter son mobilier, ses objets personnels, ses souvenirs. On y trouvait une cuisine pour partager un goûter, un repas. Ces lieux comprenaient également une salle de gymnastique et une salle de bricolage dont les créations étaient exposées dans une petite boutique ouverte au public. Un article de La Gruyère, publié en juin 1985, décrivait le lieu avec admiration : « Le home Clos Fleuri, au centre de Bulle, offre à quarante adultes handicapés un cadre de vie chaleureux et intégré, contrastant avec les anciens établissements isolés. »

Le jour de l’inauguration, en juin 1985, La Gruyère rapportait les mots émus du président Roland Imhof : « C’est maintenant chose faite. » Cette phrase, à la fois simple et immense, marque la concrétisation d’un rêve collectif. Ce jour-là, on ne célébrait pas seulement l’ouverture d’un bâtiment : on célébrait la reconnaissance, la dignité, l’inclusion. Ce foyer, c’était une promesse tenue. Et cet esprit n’a jamais quitté Clos Fleuri : offrir un lieu de vie où chacun puisse trouver sa place, être reconnu pour ce qu’il est, et vivre dans le respect, la dignité et la bienveillance. Dès son origine, le foyer a voulu conjuguer autonomie et accompagnement, indépendance et solidarité.

Journal La Gruyère

C’est un lieu qui a su évoluer sans perdre son âme. Bien entendu la Résidence Éducative a évolué, accueillant, environs 10 ans après, les Résidences Médico-Éducatives et depuis quelques années un Centre de jour. Aujourd’hui, la Résidence Éducative est composée de quatre lieux de vie, où résident vingt-neuf personnes. La plupart ont une activité professionnelle dans les ateliers de la Fondation, perpétuant ce lien fort entre vie quotidienne et participation à la cité.

Mais après quarante ans, les bâtiments vieillissent. Ils répondent de moins en moins aux exigences de confort et de qualité que souhaitent les résidents, les collaborateurs et l’État. C’est pourquoi, depuis cinq ans, la Fondation repense en profondeur l’ensemble de ses bâtiments. Après le déménagement des ateliers prévu à Epagny pour 2028, l’objectif est d’offrir de nouveaux lieux de vie aux bénéficiaires, toujours dans l’esprit des fondateurs : rester proche du centre-ville. Le projet prévoit la création de nouvelles Résidences sur le site de la rue de Vevey 230, à Bulle, là où se trouvent aujourd’hui l’administration et les ateliers.

Sur une parcelle d’environ 12 000 m² prendront place les futures Résidences Éducatives, Médico-Éducatives, l’administration, ainsi que de nouvelles prestations adaptées aux besoins émergents, tels qu’un centre pour les comportements-défis et un centre gériatrique et palliatif, mais aussi le développement de l’accompagnement à domicile pour les bénéficiaires qui le peuvent. On devrait également trouver sur cette grande parcelle une partie du centre scolaire de la Fondation ainsi que des infrastructures de la Ville de Bulle.  La Jeune Chambre de commerce s’est dite prête à soutenir la création d’un parc ouvert à toutes et à tous, un lieu parmi d’autres de rencontres pour les citoyens, les voisins, les familles et les résidents. Si tout se déroule comme prévu, les nouveaux bâtiments devraient voir le jour autour de 2031 ou 2032, juste avant le cinquantenaire de la Résidence Éducative ou le quarantième anniversaire des Résidences Médico-Éducatives. Ainsi, nous devrions également être en mesure de confirmer les projections dans le courant de l’année prochaine et peut-être même être en mesure de lancer le concours architectural. Mais il reste encore un peu de travail pour y arriver.

Les Genêts - Un des lieux de vie aux Résidences Educatives

Alors, aujourd’hui, en regardant quarante ans d’histoire et en projetant l’avenir, j’aimerais surtout dire merci.

  • Merci à celles et ceux qui, dans les années 1980, ont eu l’audace de rêver différemment.
  • Merci à ceux qui ont bâti, financé, transformé, aménagé.
  • Merci aux générations de collaborateurs et collaboratrices qui ont porté ces valeurs.
  • Merci aux familles pour leur confiance, leur présence, leurs échanges, souvent empreints d’une grande sincérité.
  • Et bien sûr, merci aux résidents, qui donnent à ce lieu sa raison d’être, sa lumière et son humanité.

Aujourd’hui, le monde change. Les besoins évoluent, les attentes aussi. Nous parlons d’inclusion, d’autonomie, d’autodétermination. Mais, au fond, tout cela était déjà présent dans les mots simples de 1983 : un nid pour adultes, un lieu où l’on vit au cœur de la cité. Cette intuition était juste. Et elle le reste. L’avenir de Clos Fleuri, c’est celui d’une institution qui continue de se réinventer sans jamais perdre son âme, qui s’adapte aux nouveaux défis — le vieillissement, la santé, les transitions de vie — mais toujours avec le même cap : celui du respect de la personne, de son projet et de sa dignité.

Quarante ans après, ce nid continue de battre des ailes. Il a grandi, changé, mais il reste vivant, vibrant, humain. Où qu’il soit — ici, ou sur le futur site — son âme ne repose pas sur la pierre : son âme se crée avec celles et ceux qui l’habitent : en d’autres termes : « VOUS ». Et si l’on devait résumer son histoire en une seule phrase, ce serait sans doute celle-ci : « Ici, chacun a trouvé un lieu où il peut être soi-même. »

Merci à toutes et à tous pour votre présence, votre confiance et votre fidélité.

Merci d’être là, ensemble, pour fêter ces quarante années de vie partagée.

Et surtout… merci à celles et ceux qui, chaque jour, font vivre ce nid.

Les Résidences Educatives aujourd'hui

Remerciements

 Nous remercions chaleureusement le journal La Gruyère, le journal La Liberté ainsi que le Musée gruérien pour leur aimable autorisation d’utilisation des photographies.